Dernières vacances à Ouistreham
Le trajet en voiture reste le meilleur moment du voyage. Dans
notre vieille Mazda 121 blanche trois portes, papa conduisait paisiblement. A
l’avant, maman avec toutes les provisions pour la route . A l’arrière, ma soeur et
moi. Nous voilà à peine partis que la voiture se transformait en véritable
aire de jeux. Nous déballions notre attiraille. Un fond
de musique Yougoslave nous berçait. Lassées des jeux, nous nous laissions rapidement
distraire par les paysages ruraux. Tous les ans le même rituel, deux arrêts.
Le premier, arrêt pipi. Le deuxième est mon préféré. Il nous avertit que nous
arrivions au terme du voyage. L’odeur du sel de mer, du poisson frais, du port
de pêche, des barbes à papa, commençaient à s’infiltrer dans nos narines. Au
milieu des champs bordant la nationale, une caravane pour les gourmands
voyageurs. Saucisse-frite pour tout le monde. Je perdais mon regard à
l’horizon, mastiquant rêveusement les restes de ma barquette. Je levais la tête
et regardais le ciel bleu; et papa. Papa riant aux éclats avec les bons vieux
propriétaires de la caravane de Ouistreham. Mes angoisses ressurgissent, la
meilleure partie du voyage venait de connaître ses derniers instants. Je
pensais déjà au retour, à l’interminable souffrance de papa. La nuit, je
regarde longuement les étoiles. C’est en vacances que je les vois le mieux. A Paris, les lumières de la ville leur font de l’ombre, leur vole la vedette.
A la
mer l’atmosphère est propice à la réflexion, on se laisse facilement aller aux rêves. Mais le calme ambiant laissant le bruit de la mer s'échapper de l'angoissante obscurité lorsque le soleil a pris congé est favorable aux pensées les plus morbides. Le soir en regardant les étoiles dehors dans le jardin, je m’interrogeais sur
leur existence. Je me demandais si c’était de là que papa allait nous regarder
une fois qu’il aura quitté ce monde. Je me demandais sur quelle étoile il allait poser ses bagages.