Une petite fille capricieuse
Maman
a toujours servit de contrepoids avec papa. Il autorisait, elle sévissait. Papa
poule, mère louve, amour vache. Comme toutes les petites filles, je prenais un
malin plaisir à mélanger l’eau et l’électricité. Face au refus de ma mère, je
m’en allais voir mon père qui assurément me donnait son accord. Les étincelles
fusent, le ton monte, j’ai honte, je regrette. Capricieuse, malicieuse,
maladroite, je me reconnais. On dit toujours « si j’avais
eu une caméra, je t'aurais filmée et tu aurais vu à quel point tu étais pitoyable. » Or maman en
avait une ce jour là et ne m’a pas loupée.
En vacances, je suis une touche à tout,
casse-tout, casse-cou. Tout ce qui est rose, avec des paillettes devaient
entrer dans mon coffre à jouet. Devant le refus catégorique de ma mère, je
quittais mon statut de petite fille modèle, petite robe en dentelle blanche et
m’asseyais sur le trottoir en tapant des poings. Réflexion faite, je suis ravie
que maman ait eu la camera en sa possession à ce moment là, sans quoi j’aurais
passé un mauvais quart d’heure entre ses mains. Cette fois, c’était son quart
d’heure de gloire à elle, celui qui lui permettrait d’enregistrer pour toujours
mes caprices pour pouvoir me brandir l’extrait de mes exploits sous le nez à
chaque fois que l’envie de faire des étincelles me reprenait. Pendant que maman
se frottait les mains de son flagrant délit, papa se courbait le dos. Il me
demandait de me lever. Je n’écoutais pas, pleurais, criais, attirais la foule. Je
suscitais le rire, l’indignation, la pitié. Papa riait, me regardait à travers
ses épaisses lunettes légèrement teintées. Il me tendit la main, me releva… il
n’avait pas besoin de parler, je savais qu’il avait cédé à mon caprice. J’ai
honte, je rougis de plaisir et de dégoût envers moi-même. Je repasse ces images
dans ma tête, et prend conscience de mon inconscience. Pardon papa.